Jeune fille et mademoiselle
Chargée comme une mule, je débarque dans la cuisine.
Moi : Chéri, tu peux m’aider à sortir les courses de la voiture ? Il reste encore quelques sacs.
Très serviable, Mon Chéri se dirige vers la voiture et revient peu après, portant le reste des sacs.
Chéri : Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Il y a beaucoup plus de produits que d’habitude.
Moi : Oui, peut-être un peu, c’est possible.
Je continue l’opération déballage-rangement des aliments. Mon Chéri s’approche pour m’aider.
Moi : Non, ce n’est pas le peine, je peux m’en sortir toute seule, tu sais.
Chéri : Mais ça ne me dérange pas, je n’ai rien de spécial à faire. Et comme ça, ce sera plus vite fini.
Quelques minutes plus tard
Chéri (sortant plusieurs fromages d’un sac) : Mais enfin qu’est-ce que c’est que tout ça ?
Moi : Du fromage.
Chéri : Oui, j’avais bien remarqué, mais…
Mon Chéri s’attaque au sachet à côté qui contient lui aussi du fromage en grande quantité.
Chéri : Mais enfin quoi ? Tu donnes une raclette-party cette semaine et je ne suis pas au courant ?
Moi : Mais non.
C. : Alors, tu veux ouvrir une fromagerie ici ?
M. : Ne sois pas stupide.
C. : Mais explique-toi voyons. Pourquoi as-tu acheté tous ces fromages ? Tu veux sponsoriser les produits laitiers ?
M. : Non, je… c’est vrai qu’on ne mange pas assez de produits laitiers. Tu sais, ça contient du calcium, c’est excellent pour les os. Le médecin a dit un jour à ma grand-mère que c’était sûrement à cause de sa grande consommation de fromage qu’elle n’avait pas d’ostéoporose.
C. : Et c’est pour ça que tu as acheté tellement de fromage qu’on n’aura pas assez de place dans le frigo pour tous les mettre ?
M. : Mais si, il suffira de pousser un peu le reste, voilà tout.
C. : Et pourquoi as-tu limité les produits laitiers aux fromages ? Pourquoi n’as-tu pas acheté aussi plus de yaourts et de lait, toi qui répètes toujours que le fromage est le plus gras des produits laitiers ?
M. : Eh bien, je…
C. : Et si tu ne me donnais plutôt la vraie raison ?
M. : C’est à cause du vendeur de la fromagerie.
C. : Pardon ? Ne me dis pas que c’est parce qu’il est jeune, beau et sexy comme ce nouveau pharmacien chez qui tu es allé six fois en deux jours ?
M. : Non, pas du tout. Ce vendeur-là n’était pas vraiment beau. Il n’était même pas jeune, en fait.
C. : Alors, qu’avait-il de spécial ?
M. : Si je te le dis, tu vas encore te moquer de moi.
C. : Ca ne m’étonnerait pas.
M. : Alors je ne te le dirai pas.
C. : D’accord, je te promets de ne pas me moquer de toi.
M. : Juré ?
C. : Juré-craché.
M. : Bon, voilà ce qui s’est passé. Au rayon fromagerie du supermarché, il y avait plusieurs personnes dans la file d’attente. Et là, le vendeur s’approche et dit : « Alors, c’est à qui le tour ? A la jeune fille ? » Au début, je n’étais pas sûre qu’il s’adressait à moi mais tout de suite après il s’est penché vers moi et m’a dit : « Alors, ce sera quoi, mademoiselle ? » Et c’est là, que j’ai craqué et que j’ai pris de presque tous les fromages de la vitrine.
C. : Mais je ne comprends toujours pas pourquoi.
M. : Mais enfin, tu as bien entendu ce que je t’ai dit ? Il m’a appelé jeune fille et mademoiselle !
C. : Et alors ?
M. : Et alors, c’est la première fois que quelqu’un m’appelle comme ça depuis au moins 3 ou 4 ans. La première fois qu’une vendeuse m’a appelée madâââme, j’ai failli faire une crise cardiaque. Je me suis progressivement faite à l’idée que c’était la fin de ma jeunesse, de mon innocence, tout ça… Et voilà un homme qui trouve que j’ai encore l’air d’une jeune fille !
C. : Pff, mais ce n’est pas possible, ce que tu es naïve !
M. : Qu’est-ce que tu veux dire ?
C. : Tout ça, c’était des boniments pour que tu achètes sa marchandise !
M. : Tu crois ?
C. : Mais c’est évident ! Il t’aurait appelé « votre Altesse » s’il avait pensé que ça te ferait acheter plus de fromages.
M. : Oh, le sale hypocrite ! Je vais y retourner et lui balancer tous ces fromages à la tête !
C. : Ah, non, surtout pas ! Tu t’es déjà ridiculisée une fois aujourd’hui, ça suffit !
M. : Mais alors, qu’est-ce qu’on va faire de tous ces fromages ?
C. : Il aurait peut-être fallu réfléchir à ça avant de les acheter.
M. : Je sais ! Il suffit de dire que ce sont nos cadeaux de Noël et de les offrir à tout le monde !
C. : Oui, excellente idée, comme ça l’année prochaine on ne sera plus invités nulle part, surtout que si on les garde jusqu’au 24, les fromages vont avoir une belle odeur bien forte !
M. : Mais alors qu’est-ce qu’on va en faire ?
C. : On trouvera déjà une solution. Mais la prochaine fois, je t’en supplie, réfléchis avant d’acheter !
M. : Mais moi, au moins, je n’ai pas acheté deux kilos du légume que je déteste le plus uniquement parce que la vendeuse avait une belle poitrine et un décolleté plongeant !